jeudi, juin 25, 2009

La joie

On m’a demandé dernièrement si ça m’arrivait de travailler, au Cambodge, puisque je n’en parlais jamais. Alors oui, je travaille, du lundi au vendredi, de 8h du matin (ça fait mal) à 17h30 (ça fait mal aussi). Et ce que je fais, c’est top secret. Mais sérieusement, au bureau, mes collègues m’ont suggéré de garder un « profil bas » concernant mes recherches, puisque le genre de travail que je fais ne vraiment pas plaisir au gouvernement et aux puissants de ce pays. En gros, je fais des recherches sur des violations des droits de la personne commises par les grosses compagnies privées et par le gouvernement, contre des paysans pauvres. Mon travail implique donc de partir en « mission », comme on dit ici, avec mon collègue comme co-chercheur et interprète, ainsi que notre chauffeur, pour aller rencontrer ces fameux paysans dans les coins les plus reculés du pays. Quand je dis « reculés », je veux dire vraiment reculés : des endroits où le moyen de transport le plus commun après la moto est la charrette à bœufs, où ça prend deux heures pour faire 50 kilomètres sur des routes qui n’en sont pas vraiment, où il y a plus de champs de mines que d’êtres humains, où les gens ont des drôles de dents, où personne n’a entendu parler de Céline Dion, mais où, étrangement, la plupart des gens ont un téléphone mobile...je vous offre donc, du fond du cœur, une section pertinemment intitulée « la campagne cambodgienne ».

Les ti-nenfants du village

vélo parfaitement ajusté


Comme dans les vues


Ces paysans indigènes formaient un genre de vigile et se promenaient toute la journée de terres en terres pour les protéger des compagnies qui viennent les prendre


En train de faire des entrevues

La « sécurité » en Cambodgianie


Au pays des Khmers, une des choses les plus frappantes, outre la bière, la chaleur et les coups de poing dans la face, est la sécurité routière, ou plutôt l’absence de celle-ci. On voit régulièrement des familles complètes sur une moto (dont la mère avec son bébé dans ses bras), des enfants conduisant des vélos 10 fois trop grands, des véhicules avec plus de passagers sur le toit qu’a l’intérieur, ainsi que des charrettes tirées par des bœufs qui ont l’air saouls. Pour bien illustrer, je vous offre quelques photos, pas toujours de qualité puisque prises sur le vif.
un peu serrés


un peu insouciants

un peu beaucoup

Les joies de la saison des pluies

L’Asie du sud-est étant actuellement en pleine mousson, il pleut beaucoup. Pas des petitesgouttelettes bien gentilles, mais bien souvent des déluges qui sont si intenses que ça fait presque mal à la peau. Heureusement, ceux-ci ne durent normalement pas très longtemps et sont presque toujours suivis d’un beau soleil. Cependant, comme dans tout pays en développement digne de ce nom, le système d'égout n'est pas très efficace. Ça donne comme résultat de jolies inondations, toujours bien drôles, qui me donnent une bonne excuse pour arriver une heure en retard au bureau après le lunch. Voici ce que ça donne.














Récemment, je suis allé a un énorme party qui était organisé à la station de train de Phnom Penh. Un plancher de danse dans la salle d'attente, boire de la bière sur le toit de vieux trains en décomposition (mais qui, incroyablement, servent encore): un peu surréel.


petit party avec les collègues, récemment, pour fêter l'arrivée d'un mercerdi

Un resto où je n'irai probablement jamais

Bonne journée,
Benoit

mardi, juin 02, 2009

Gastronomie extrême

Y a quelques temps, je lisais dans une revue locale un article sur Skun, une petite ville campagnarde à moins de 100 kilomètres de la capitale Phnom Penh. Toujours prêt à essayer les spécialités régionales, l’article avait attiré mon attention en parlant des petites gâteries qu’on peut s’offrir à Skun. La spécialité culinaire de Skun ? Les tarentules, a-ping en khmer. Oui oui, les tarentules, grosses, noires, laides, poilues et venimeuses. Il y a en a plein dans les collines environnantes. On les chasse. Surtout, on les mange. En fait, Skun est probablement la capitale mondiale des insectes mangeables. On y trouve presque partout des vendeurs d’araignées, de criquets et de larves, prêts à être dégustés avec enthousiasme par les Cambodgiens.

Donc, en lisant l’article, j’ai fait pfff, y a rien là, je suis écœuré de manger du riz de toute façon. Samedi matin, 8h30, je pars vers Skun avec Jean, mon ami français, et Rak Smey, la réceptionniste de notre hôtel, qui raffole des tarentules, à qui on a demandé de nous accompagner en tant qu’interprète.

Une fois fraîchement débarqués à Skun, on se dirige sans tarder vers les kiosques où l’on vend les jolis minois à huit pattes. Cependant, comme on se dit qu’on devrait peut-être manger une entrée avant d’attaquer le plat principal, on s’arrête en chemin auprès d’une vendeuse de criquets frits. De gros criquets. Des criquets géants, en fait. Je pensais pas que des criquets pouvaient être si gros que ça. Le corps de chacun d’eux était pratiquement aussi gros que mon petit doigt. On achète donc un sac de 10 pour environ un dollar. Je me lance sur la première, et franchement, c’est pas mal. Vraiment croustillant, on dirait des chips. Une réussite. Je félicite la vendeuse pour la délicatesse de la préparation, et on quitte l’endroit.
Moi, qui se demande vraiment pourquoi je vais manger cette bibitte, et Rak Smey, notre interprète.

Les pattes sont trop grosses, presque des cuisses de grenouille.


Rak Smey s'est acheté une dizaine de tarentules vivantes pour les donner en cadeau à quelqu'un à Phnom Penh. Elle a pris le sac en plastique avec les araignées et l'a mis dans sa sacoche...ouf...faut être né au Cambodge j'imagine.

LE PLAT PRINCIPAL
Puis la pièce de résistance, de bonnes grosses tarentules frites et juteuses. J’avoue qu’au début, je me suis demandé si c’était une bonne idée. Puis, j’ai pensé à des choux de Bruxelles, et je me suis dit que ça pouvait pas être si pire, finalement. Sous le regard inquisiteur de Cambodgiens qui s’approchaient pour voir ce drôle de barang, je mange la première patte du monstre. Puis la deuxième. Finalement je croque dans le corps, la partie la plus importante, la boulette dans le hamburger, la cerise sur le sundae.

hésitations...
Comment c’est ? Vous ne me croirez peut-être pas, mais c’est bon. Une fois passée l’idée qu’on mange quelque chose de vraiment hideux et répugnant, on est surpris à quel point c’est mangeable. J’en ai même mangé une deuxième. Les pattes sont pleines de « viande », on dirait presque du poulet, la tête est croustillante et bien huileuse. La seule partie vraiment dégueulasse, c’est la deuxième grosse boule, celle du cul. J’ai su après que c’est la partie où l’araignée stocke toutes les choses méchantes, comme le venin, ses ti-bébés et le contenu de ses intestins. Le Lonely Planet recommande même de ne pas manger cette partie…bah, what the heck, comme on dit à Skun, je vivrai avec des bébés tarentules dans mon estomac. Ça sera cool.
Le plus intéressant dans cette « industrie », c’est que c’est loin d’être un truc de touristes. En parlant à la vendeuse de tarentules par l’entremise de notre interprète, elle a expliqué qu’elle vendait une centaine d’araignées par jour, à 1$ pour 5, et qu’elle ne voyait pratiquement jamais de touristes.
Les charmantes vendeuses d'insectes à leur kiosque

Une vendeuse itinérante de tarentules...oui, sur son plateau, que des tarentules...ça lui donne vraiment un look de film d'horreur, avec son masque, non?


Mais pourquoi manger des tarentules, maudit bâtard, vous vous demandez ? Faut remonter à l’époque des Khmers rouges. Entre 1975 à 1979, plus de 1,7 millions de Cambodgiens sont morts sous le régime ultra-communiste de Pol Pot. Mourant de faim dans les campagnes, les gens cherchaient n’importe quoi à se mettre sous la dent. Ils ont donc découvert que les tarentules frites, c’est bon et nourrissant en maudit (plus que du sable, en tout cas). Donc, encore aujourd’hui des dizaines de chasseurs de tarentules (souvent des jeunes) sillonnent les collines, rentrent leur bras dans les trous, prient Bouddha pour pas se faire piquer, et vont vendre leurs petites bêtes encore vivantes chez les vendeurs au marché. En plus, la vendeuse me disait que manger des tarentules, c’est bon pour la toux et ça soigne les maux de dos. Bin oui, c’t’ivident, pourquoi j’y avais pas pensé…c’est clair que les tarentules soignent les maux de dos. En plus, c’est drôle, mais j’ai pas toussé une fois depuis que je suis revenu dans la capitale. Ça a donc l’air que ça marche pour vrai. Merci, a-ping.










À Skun, on a rencontré un Australien habitant au Cambodge qui nous a offert de nous ramener à Phnom Penh dans sa voiture. Jim, de son prénom, s’était arrêté à Skun pour acheter quelques tarentules vivantes pour les rapporter dans la capitale, où on ne les trouve que dans leur version décédée. Il les met donc, toutes les cinq, dans un sac en plastique bien fermé, et on part. À un moment donné, en chemin vers PP, je vois Jean, assis en avant, sauter au plafond et subir une demi-crise cardiaque…une tarentule s’était échappée du sac et avait élu domicile sur sa cuisse…vraiment très très drôle. Je le jure, voir la face d'un gars qui s'aperçoit qu'il a une tarentule sur lui: priceless, comme dirait Mr.Mastercard. C'était un peu moins drôle cependant quand on s’est aperçu qu’il ne restait que trois a-ping dans le sac, ce qui voulait dire qu’une autre s’était échappée et rôdait en liberté dans l’auto. Ouin. Finalement, on l’a retrouvée, et je me suis amusé avec la jolie et ses amies.







Bon, j’y vais, je sens que ça bouge dans mon ventre, faut que j’aille me faire examiner.


Benoit